Le soutien social et la pair-aidance représentent des approches pertinentes et efficaces pour inciter les jeunes générations à faire évoluer leurs comportements en santé vers plus de prévention. La proximité, les échanges et le sentiment de compréhension mutuelle facilitent la levée des freins au changement observés à ces âges, ainsi que le démontrent de nombreuses expérimentations de sciences comportementales.
Motivation de proximité
Comment améliorer les comportements en santé chez les jeunes ? La réponse se révèle complexe, mais peut jouer sur des déterminants variés : identité, normes, interactions… Autant de leviers qui font écho au potentiel motivationnel de la pair-aidance et du soutien social pour ancrer plus facilement les pratiques de prévention dans le quotidien. « Les jeunes adultes (18-25 ans) sont une génération en transition : départ du foyer, études ou premiers emplois, nouvelles responsabilités. Ce passage à l’autonomie les expose à des risques spécifiques, mais aussi à des opportunités uniques d’apprentissage collectif. Les approches qui valorisent le rôle des pairs et l’entraide sociale trouvent ici un terrain fertile pour faire évoluer les mentalités et les comportements », confirme Nicolas Fieulaine, chercheur en psychologie sociale à l’Université Lyon 2.
Présenté dans le 3e Cahier expert de la Fondation APRIL, dédié à des retours d’expériences, le projet Quit the hit illustre ce propos : utiliser l’autogestion et des groupes de soutien en ligne via Instagram a permis de réduire de 18 % le vapotage sur 30 jours, grâce à cette motivation de proximité.
Confiance pair
De façon générale, les travaux en sciences sociales confirment l’intérêt de passer par des pairs formés pour transmettre des messages de prévention. Un jeune est souvent mieux écouté par ses camarades qu’un adulte ou un professionnel de santé et inversement la crédibilité des messages est souvent supérieure. Mieux : les bonnes pratiques ainsi acquises peuvent se propager au cercle familial et amical, amplifiant l’effet d’entraînement. « De fait, les différents réseaux sociaux participent de ce principe d’acculturation et d’évolution des comportements, via des échanges émotionnels, informationnels ou pratiques. Le sentiment de soutien – être écouté, compris, soutenu matériellement ou psychologiquement – est un facteur bien identifié, notamment de protection contre le stress, l’anxiété, la dépression », observe le sociologue.
Santé mentale : la tête à cœur
La santé mentale est de fait un point d’attention majeur chez les jeunes. Isolement, difficulté à se définir, anxiété face à l’avenir, pression académique ou professionnelle… sont autant de facteurs déstabilisants qui font du psychisme un de leurs talons d’Achille. Les dispositifs de pair-aidance et le soutien social offrent une réponse pragmatique en permettant de créer des espaces de parole, renforcer le sentiment d’appartenance, et développer la confiance en ses capacités de changement.
L’initiative Grassroots, présentée dans le 3e Cahier expert (expérimentation 11, Prévenir le harcèlement et les conflits au sein des collèges, page 48) en est un bon exemple. Elle vise à réduire les conflits et le harcèlement entre collégiens via une approche comportementale impliquant directement les jeunes dans la création d’un cadre scolaire plus harmonieux. « Des élèves influents dans leur établissement agissent comme des figures d’exemple et initient des comportements pro-sociaux, encourageant progressivement l’ensemble des élèves à adopter des attitudes positives face aux conflits, source de mieux être psychique », résume Becky Taylor, professeure au London Institute of Education et co-évaluatrice d’un programme qui a déjà permis de réduire de 25 % les mesures disciplinaires liées aux conflits et au harcèlement chez les adolescents au cours d’une année, aux États-Unis.
Conditions de succès
Les retours d’expérience mettent en exergue plusieurs facteurs cruciaux pour optimiser l’efficacité des dispositifs de pair-aidance chez les jeunes :
➜ Formation des pairs sur les compétences relationnelles, la compréhension de la santé, la gestion de limites, la reconnaissance des signaux de détresse, la confidentialité… Indispensable pour éviter un risque de surcharger émotionnelle du pair-aidant ou la délivrance de messages inappropriés.
➜ Supervision et soutien expert à disposition des pairs, qui peuvent avoir besoin de conseils, de ressources, d’un accompagnement pour leur propre bien-être…
➜ Définition claire des rôles, des attentes, des responsabilités : qui fait quoi, jusqu’où va le soutien de proximité, quels sont ses limites, quand orienter vers un professionnel.
➜ Accessibilité et réduction des barrières (langue, culture, moyens financiers…). Plus le dispositif est flexible, plus il atteint les jeunes qui en ont besoin.
➜ Normes sociales positives et environnement favorable : le soutien social fonctionne mieux si le contexte global est en adéquation avec les messages délivrés : école, famille, communautés, médias. Sinon les messages peuvent être contrecarrés.
Vers une prévention plus collective et solidaire
« En s’appuyant sur la force du lien social, le savoir expérientiel des jeunes pairs et les principes d’ingénierie comportementale (réduction de la friction, activation des normes, utilisation de l’auto-efficacité), il est possible de concevoir des programmes de prévention qui transforment durablement les comportements et les cultures de santé », assure Sophie Ferreira, déléguée générale de la Fondation APRIL. Cette voie, positionne le jeune non plus comme simple récepteur de l’information, mais comme un acteur et un ambassadeur essentiel de sa propre santé et de celle de sa communauté. L’avenir de la prévention jeunesse passe par cette synergie, où la science et l’humain se rencontrent pour construire un environnement plus sain. C’est là que réside sans doute l’une des clés d’un changement durable : transformer la prévention en une culture commune, incarnée par les jeunes eux-mêmes et soutenue par l’ensemble de la société.