ALIMENTATION DES JEUNES : UNE DIÉTÉTIQUE TOC ?

Entre bonne connaissance des théories visant à préserver sa santé par l’alimentation et réalité des menus du quotidien, les jeunes pratiquent souvent un grand écart. Une difficulté à manger sain  souvent liée à la difficulté à lutter contre les tentations de la société de consommation et parfois à celle de pouvoir accéder à de bons produits.

 

« C’est très compliqué de se freiner. Il faut avoir la force de résister. Encore plus quand on aime ça, alors il y en a qui ont la chance de ne pas aimer ce genre de mauvais aliments et donc de ne pas être attirés Par exemple, je pense à l’achat de malbouffe, dans des fast-food ou l’achat de boissons, l’alcool, etc. » Ce verbatim est tiré d’un entretien réalisé dans le cadre de l’étude « Les jeunes et leur santé » de BVA Xsight pour le compte de la Fondation APRIL. Il résume bien la difficulté pour les 18-25 ans à manger « raisonnablement » jour après jour. Selon l’étude, ils sont ainsi 59 % à grignoter entre les repas, 52 % à manger plus de 500 grammes de viande par semaine, 43 % à boire plusieurs boissons sucrées par jour, ou encore 32 % à consommer majoritairement des plats préparés… Résultat : plus d’un jeune français sur 5 est en surpoids et près d’1 sur 10 est obèse. « Ils connaissent les bons comportements alimentaires liés à la préservation de leur santé, mais si la théorie est intégrée, la mise en pratique est défaillante : l’appropriation des comportements adaptés est souvent partielle et liée à l’existence de troubles de santé chez soi ou son entourage proche plutôt qu’à une volonté de prévention », explique Sophie Ferreira, déléguée générale de la fondation APRIL.

 

Dur dur de bien manger

Passées les portes du foyer familial (et parfois avant, au sein du foyer), un déséquilibre nutritionnel s’installe souvent, accentué par la nécessité de se nourrir à budget restreint : 31 % des 18-25 ans avouent ne pas avoir les ressources financières pour s’alimenter correctement ; un chiffre qui monte à 40 % pour ceux en recherche d’un premier emploi. Un obstacle parmi de nombreux autres, variant du manque de temps (19 %) à celui de volonté (8 %) en passant par l’inflation (11 %) ou le refus de se priver (3 %). « Il convient de souligner la contradiction entre les messages de prévention santé des pouvoirs publics et un système commercial diffusant un mode de vie « rêvée » aux antipodes des préconisations. Tout, ou presque, devient une tentation à laquelle il faut parvenir à résister » regrette Sophie Ferreira Au final, la volonté de « manger équilibré », affirmée par environ 60 % des jeunes interrogés, renvoie à la transmission familiale ou, plus rarement, à une opposition face au peu d’importance donné par les parents à l’alimentation. Mais quelles que soient les bonnes intentions, ou leur absence, force est de constater que la plongée dans une vie sociale multipliant les interactions, en particulier pour les étudiants, mais également dans le cadre professionnel, fait rapidement passer les questions nutritionnelles au second plan, au détriment d’une santé qui commence à se détériorer via l’assiette.

 

Réponses réseaux

Internet et les réseaux sociaux ont-ils vocation à remédier à la situation ? Un courant se dessine en tout cas, s’appuyant sur la notion de « bonne santé visible », comme signe distinctif d’une « meilleure version de soi-même ». Un état accessible notamment par le rééquilibrage alimentaire (on ne dit plus « régime »). « La discipline est alors érigée en idéal, pour atteindre ses objectifs de vie. Elle sous-tend le développement de pratiques et techniques visant à cultiver son sens de l’engagement et transformer les bonnes résolutions en habitudes, tendant vers un fonctionnement « en mode robot » », décrypte Anthony dos Santos co-fondateur du cabinet d’ethnographie digitale Uptowns. Certaines approches ludiques sont alors mises en place pour faciliter l’effort au quotidien, à l’instar des challenges X jours (en général, entre 20 et 80 jours). L’idée ? Rendre des comptes à sa communauté pour mieux tenir ses engagements à – par exemple – manger bio pendant 30 jours. Si le concept peut sembler intéressant, la vigilance reste de mise face à un culte du corps qui peut se retrouver poussé à l’extrême et mener à des comportements orthorexiques ayant pour conséquence de ne plus associer alimentation et plaisir. « À l’opposé, le mouvement « no diet », sous ses atours de mobilisation contre les méfaits physiques et psychiques des régimes sur la santé peut parfois aussi conduire à mettre sa santé en danger », complète Sophie Ferreira. Comme toujours, un juste équilibre doit être de mise lorsque l’on parle d’alimentation…