JEUNES : UN MENTAL EN BERNE…
21 août 2024
Les 18-25 estiment globalement être en bonne santé psychique, mais approfondir le sujet dévoile qu’en réalité beaucoup de jeunes sont fragiles sans en avoir conscience, ou en cherchant à relativiser. Le phénomène prend de l’ampleur en France et incite les spécialistes à tirer la sonnette d’alarme.
Les jeunes français sont-ils en souffrance psychique ? À question simple, réponse inquiétante. Il ressort de l’étude « Les jeunes et leur santé »1 qu’ils sont plus d’1 sur 2 à souvent vivre des pics émotionnels forts, se sentir épuisé, ou anxieux. Plus prosaïquement, 48 % se sentent déprimés… « Diverses études ont souligné que nos jeunes sont les derniers des pays de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) en termes de confiance en eux, de capacité à exprimer leurs besoins et à collaborer avec autrui. Ils sont dans le rouge dans l’ensemble des domaines étudiés, à l’inverse des jeunes Allemands ou Anglais notamment, qui disposent déjà d’un bon socle de santé mentale », confie Pauline Martinot, docteur en neurosciences et ancienne conseillère du ministre de la santé et de la prévention. D’autant plus préoccupant que le mal être psychologique peut se cristalliser sur des pensées suicidaires : 39 % des jeunes français de 18 à 25 ans y ont déjà pensé et 58 % sont directement ou indirectement, par l’intermédiaire de connaissances, confrontés avec le sujet.
L’atmosphère délétère globale est alimentée par le grand chouchou des 18-25 ans : les réseaux sociaux. « Je vois de plus en plus de jeunes addicts aux écrans sombrer sans même s’en rendre compte. Certains se couchent à 4 heures du matin, se font tout livrer, habitent à des heures de leur famille et n’ont aucune vie sociale, mais considèrent que tout va bien. » confirme Grégoire Gibault, kinésithérapeute et influenceur, mieux connu des internautes sous le pseudonyme de Major Mouvement. Un cercle vicieux s’esquisse : le monde extérieur, notamment à travers les réseaux sociaux, suscite toujours plus de peur et alimente les troubles, incitant un nombre croissant de jeunes à se replier sur eux-mêmes et choisir de vivre reclus chez eux.
Sensibilisation requise
La réponse au mal-être ambiant passe avant tout par la sensibilisation à la problématique, les premiers concernés n’étant souvent pas conscients d’être en détresse ou ayant honte à s’avouer malade. Le regard d’autrui et la crainte de la stigmatisation empêchent encore fréquemment une parole libre. « La médiatisation croissante de la santé mentale et des prises de parole de personnalités ont certes donné une meilleure visibilité à un sujet autrefois passé sous silence, mais il reste délicat pour eux d’en parler autrement que dans un cadre de confiance et de proximité. La faute à une persistance des préjugés, qui bloquent la parole, voire la consultation, malgré l’idée désormais dominante que « ça peut arriver à tout le monde », observe Pauline Martinot. « De fait, un jeune qui vient voir des professionnels pour dévoiler son intimité alors qu’il pourrait le faire sur les réseaux est courageux. Notre monde s’est largement individualisé. Cela se traduit par une plus grande liberté, mais également une perte de repères et une plus grande solitude, cachée derrière les écrans », rebondit Vincent Persuanne, président de la Fédération des Espaces pour la Santé des jeunes. Un différentiel s’observe à cet égard en fonction des catégories socioprofessionnelles : les jeunes issus de CSP+ hésitent peu à aborder le sujet et sont en attente d’informations, alors que de nombreux jeunes issus de CSP moins élevées ont tendance à penser que la notion de bien-être psychique est essentiellement destinée aux femmes et donc taire leurs souffrances.
Effort expert attendu
Tout le monde s’accorde à dire que les 18-25 ans ont besoin d’une écoute et d’un suivi psychologique de proximité, portés par des professionnels au fait de leurs attentes et de leurs spécificités. Mais au-delà de cette assertion, la réalité sur système de santé français fait tiquer. Les spécialistes en santé mentale regrettent de multiples manques en termes de structures d’accueil et d’accompagnement dédiées aux jeunes et appellent à offrir à la possibilité d’accès à des soins dans un délai raisonnable au plus grand nombre, qu’ils soient étudiants, dans la vie active ou en recherche d’emploi. « Il existe dans ce contexte des progrès à réaliser dans la cartographie des structures de soins et dans leur mise en relation en vue de créer un véritable réseau de santé dédié, estime Amandine Buffière, Pédopsychiatre, présidente de la fédération des CMPP (Centres médicaux Psycho Pédagogiques). Il apparaît de surcroît primordial d’aborder la santé mentale de manière intégrée et d’orienter les jeunes vers les soins de santé physique et/ou l’accompagnement le plus adapté à la condition et aux besoins de chacun. « Malheureusement, la psychiatrie tend à devenir une science comme une autre. C’est-à-dire que lorsqu’un problème est identifié, il suffirait de prescrire un médicament en réponse, déplore l’experte. Or, ce n’est pas le cas. L’inscription sociale, l’entourage et les échanges amicaux sont primordiaux dans la bonne santé mentale des patients. Il faut sortir du tout prescription pour proposer une approche plus holistique de la prise en charge mentale des jeunes », conclut l’experte.
1. Étude BVA Xsight pour le compte de la Fondation APRIL