FRANCE : UNE NOUVELLE ADDICTION A LA CHAISE ?
25 juillet 2024
Qu’elle soit associée au plaisir ou à la prévention santé, l’activité physique n’a pas la côte dans le pays d’accueil des J.O. La sédentarité est reine et s’impose « naturellement » dans la vie des jeunes, peu aidés par leur environnement et de rares politiques incitatives. Décryptage.
77 % des 18-25 ans restent souvent assis plus de 2 heures d’affilée dans une journée, sans se lever. Ce résultat, issu de l’étude « Les jeunes et leur santé »1, est d’autant plus alarmant qu’il ne représente que la partie émergée de l’iceberg de la sédentarité. Plus d’un jeune sur deux (55 %) pratique ainsi moins de 30 minutes d’activité physique par jour. « De fait, l’activité physique, sans même parler du sport, n’a jamais eu de place essentielle dans le cœur des français en général, mais c’est pire pour les nouvelles générations », déplore le professeur François Carré, cardiologue et médecin du sport, spécialiste de l’activité physique adaptée. En cause : la société de consommation, qui fait du divertissement et de l’idée de « ne rien faire » des objectifs de vie à part entière. « Prenez une publicité sur un robot tondeuse étalée en 4×3 sur des panneaux d’affichage, vous verrez systématiquement en arrière-plan le propriétaire de la pelouse en train de boire tranquillement une bière sur un hamac. J’en suis venu à parler de phénomène d’addiction à la chaise. »
Valoriser les bénéfices et changer les référentiels
Les études scientifiques prouvent qu’une d’activité physique régulière présente un impact majeur en termes de prévention santé. Réaliser environ 150 minutes d’exercice hebdomadaire permet par exemple de perdre 5 % à 7 % de son poids et diminue les risques de développer un diabète de type 2 de plus de 50 %2. « Malheureusement, personne ne comprend que rester assis trop longtemps peut-être mauvais pour la santé, car il existe sur le moment un sentiment de repos. À l’heure actuelle, beaucoup sont prêts à fournir des efforts pour moins manger, mais jamais pour bouger plus », observe François Carré. Il faut par conséquent changer les référentiels et valoriser l’effort physique alors qu’il est aujourd’hui trop sujet à raillerie. « De nos jours, les français considèrent « anormal » de pratiquer un sport, voire une activité physique. Cette problématique est rédhibitoire chez les jeunes. Pourquoi un adolescent déciderait-t-il de se mettre à bouger, si tout son groupe d’amis ne fait pas fait rien et risque de porter un jugement sur lui ? » Rien n’est gravé dans le marbre pour autant. Il y a quelques décennies, les personnes qui ne fumaient pas étaient sujettes aux moqueries, mais la sensibilisation et la mobilisation collective ont largement participé à inverser cette image, au bénéfice de la prévention santé.
Accompagner le coup de projecteur des JO d’une politique structurelle
La dynamique susceptible d’être impulsée par les pouvoirs publics se heurte toutefois à une réalité politique : « La santé n’a pour l’heure aucun intérêt dans l’esprit des décideurs. Or, la volonté étatique est centrale pour faire avancer les choses. Regardez les accidents de voiture. Quelques années en arrière, nous avions 15 000 morts par an sur nos routes. Mais quand un Président a décidé de réduire drastiquement ce chiffre pour passer sous les 3 000, les moyens ont été mis en cohérence et l’objectif atteint », souligne François Carré. Concrètement, l’idée est de sensibiliser les jeunes à large échelle, afin d’implémenter la – vraie – vision qu’il est dangereux de ne pas faire d’activité physique. « En France, à cause de Descartes sans doute, le cerveau semble véritablement détaché du corps. Or, il serait temps de lier les deux et de ne plus considérer que l’activité physique est une perte de temps. C’est tout le contraire. » De là à compter à compter sur les J.O. pour montrer l’exemple et inciter à s’activer… l’expert reste dubitatif : « Les médailles de nos athlètes ne vont pas motiver les jeunes à pratiquer du sport. Tous les pays l’ont cru, mais ça n’a jamais marché. Les athlètes sont des idoles, des gens inaccessibles qui s’astreignent à un mode de vie très dur. Ce ne sont pas des modèles pour nos enfants. »
Petit à petit, l’effort fait son nid
29 % des jeunes manquent de temps pour pratiquer une activité physique et 21 % de volonté. Ces chiffres issus de l’étude « Les jeunes et leur santé » sont certes importants, mais préférer voir le verre à moitié plein donne 71 % de temps disponible et 79 % de motivation.
Dont passage à l’acte ? « Les jeunes se plaignent de s’ennuyer, mais passent leur temps à ne rien faire. Une solution simple demande d’apprendre à remplacer du temps « passif » par une activité physique, quelle qu’elle soit. J’aime à cet égard établir un parallèle entre activité physique/sport et écriture/littérature. Nous avons tous besoin d’écrire, mais pas forcément d’être des littéraires. Il en va de même pour la mobilisation physique ; à chacun de trouver ce qui lui convient le mieux. À la société et aux experts en sciences comportementales de les aider à s’orienter et franchir le pas », estime François Carré, qui insiste sur le fait que rien n’est immuable, comme le prouve une étude qu’il a menée auprès de 4 500 collégiens, soumis à 10 minutes d’entrainement fractionné par jour. « En 9 séances, ils avaient rattrapé 40 % du retard qu’ils avaient pris par rapport à 1987. Pour être mieux dans sa santé, il faut bouger, sans avoir besoin d’être dans l’extrême, mais dans le régulier ! » Exemple à suivre !
- Étude conduite par BVA Xsight pour le compte de la Fondation APRIL.
- W. C. Knowler, et al. Reduction in the incidence of type 2 diabetes with lifestyle intervention or metformin. N. Engl. J. Med. 7 février 2002. Vol. 346, n°6, p. 393- 403.