Prévention santé : la responsabilité de chacun et l'action de tous
19 février 2024
3 questions à… Serge Guérin
Serge Guérin est sociologue, professeur et directeur du pôle Santé à l’INSEEC (Institut des hautes études économiques et commerciales). Il s’intéresse aux dynamiques et formes d’action et de solidarité au sein de la société, tout particulièrement liées aux enjeux du vieillissement et de l’intergénérationnel.
Il revient en 3 questions-réponses sur sa vision « sociologique » des responsabilités et actions à mettre en place, aux échelles individuelles comme collectives, pour améliorer durablement les comportements en santé.
Comment ancrer plus efficacement la prévention santé dans les habitudes ?
Serge Guérin : Il convient en premier lieu d’en faire une priorité sociale et de l’intégrer au quotidien des français, tout au long de leur vie. Acquérir les bons « réflexes prévention » débute dès la petite enfance, au sein des familles qui doivent être sensibilisées à cet enjeu. Viennent ensuite l’école, le monde du travail et la phase de vieillissement, autant de périodes clés nécessitant d’insister sur l’importance de veiller sur sa santé. Les pouvoirs publics devraient prochainement instaurer trois visites médicales gratuites, proposées à 25, 45 et 65 ans. C’est un bon début, mais il faut également intervenir avant et après ces bornes d’âge, en tenant compte des difficultés économiques et culturelles que peuvent rencontrer certaines populations. L’obésité, par exemple, touche plus grandement les personnes défavorisées, qui ont un accès plus difficile à une nourriture de qualité. Aider les habitants à réapprendre à s’alimenter, à s’engager dans une activité physique plus régulière, ou faire évoluer leurs représentations entraînent à moyen terme des évolutions positives et réduisent le déterminisme social.
Quelles sont les parts de responsabilité individuelle et collective dans l’appropriation des bons comportements ?
S.G. : Société civile et citoyens sont coresponsables. Il faut d’une part une mobilisation des institutions pour structurer des politiques de prévention à l’échelle territoriale. Par exemple, les villes ont la responsabilité des cantines scolaires et il existe des leviers pour impliquer les enfants et les familles dans le choix des menus, la valorisation du maraîchage, l’attention à la réduction des déchets… Le monde du travail a également son rôle à jouer. La période Covid a montré que bon nombre de salariés voient en l’entreprise un acteur légitime en termes de santé et de prévention, pour peu qu’elle respecte l’intégrité et le choix des collaborateurs. À l’échelle individuelle, nous avons certes besoin de soutien, mais aussi d’apprendre à faire nous-mêmes pour adopter des routines qui amélioreront notre qualité de vie et notre santé. S’engager soi-même donne souvent plus de sens à la démarche de prévention.
Comment faciliter collectivement cet engagement individuel ?
S.G. : Rester sur une mentalité de contrainte ne fonctionne pas : le plaisir rend la prévention plus audible. Il convient à cet égard de faire appel à la psychologie sociale et comportementale, pour mobiliser l’imaginaire des populations ciblées et les inciter au changement en douceur. Cette approche implique tous les acteurs, des professionnels du soin jusqu’aux personnels intervenant auprès des personnes, comme par exemple les aides à domicile s’occupant de personnes fragiles ou les cuisiniers des EHPAD. L’enjeu consiste aussi à valoriser davantage la prévention dans l’exercice de la médecine, notamment durant la formation initiale. On peut alors imaginer des mesures efficaces mises en place sur les lieux de résidence ou de travail, combinant les interventions d’acteurs de la santé, de médiateurs spécialisés, d’animateurs, d’experts en médecine complémentaire… mettant à profit des occasions externes, comme les activités de loisirs, pour bien faire passer les messages de prévention.
Source : la santé, la responsabilité de chacun et l’action de tous pour insuffler le changement, par Serge Guérin